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18 mars 2012

Le naufrage de la Sémillante

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Le 27 mars 1854, la France, sous le gouvernement de Napoléon III, s’associe à l’empire britannique de la Reine Victoria pour déclarer la guerre à la Russie et par là même au Tsar Nicolas 1er. Ainsi commençait la guerre de Crimée.

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La Crimée est une presqu’île de la mer Noire où les russes s’étaient installés au fil des années sous prétexte de défendre l’empire des chrétiens orthodoxes face à l’empire ottoman. Mais cette prise de position était surtout la volonté d’avoir un premier pas vers le bassin méditerranéen et un déboucher maritime évident que ne pouvaient admettre les britanniques et les français. 

Ainsi, pour des engagements à vouloir, d’une part protéger l’indépendance de la Turquie et d’autre part les villes de Jérusalem et de Bethléem, la France envoya immédiatement ses troupes en force aux cotés de l’armée anglaise.

Dès le début de l’année 1854 la Marine Nationale fut alors mobilisée pour acheminer tous les régiments qui furent engagés sur ce théâtre d’opération.
De Toulon et Marseille, des allers retours de navires ne cessaient de se croiser pour transporter toute la logistique nécessaire à cette guerre.

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C’est ainsi que le La frégate Sémillante quitta le port de Toulon le 14 février 1855, commandée par le capitaine Jugan, à destination de la Crimée pour apporter aux forces françaises, des vivres, des renforts en troupe et en matériel.

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C’était un trois mâts à coque de bois fort bien armé. La Sémillante était l'une des 27 frégates de 60 canons construites de 1822 à 1849, les dernières étant équipées de machines à vapeur. Longue de 54 m et large de 14 m, elle représentait l'aboutissement de trois siècles de recherches en architecture navale. Mise sur cale à Lorient le 19 mars 1827, elle ne fut lancée que 14 ans plus tard, le 16 février 1841.

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Ce 14 février 1855 elle embarqua  donc à son bord 393 soldats, 293 hommes d’équipage, 16 passagers, ainsi que du matériel, de l’armement d’artillerie comme des mortiers, de la poudre, des obus, des munitions et également des vivres.
Placée sous le commandement du Capitaine Jugan, la Sémillante quitta Toulon sur ordre malgré un baromètre défavorable. La brise était modérée de nord-ouest, le temps maniable mais, au large de la Corse, la pression atmosphérique plongea vite jusqu’à 730 millimètres de mercure ce qui annonçait inexorablement du fort mauvais temps. Et cela se confirma. Peu à peu le vent passa à l’ouest en forçant sans cesse.  Au large des côtes de la Corse, le 15 février, la Sémillante se trouva en pleine tempête. Le Capitaine Jugan qui connaissait parfaitement les parages prit ses dispositions en décidant d’engager sa frégate devant les Bouches de Bonifacio pour emprunter le couloir maritime entre la Corse et la Sardaigne dans l’espoir d’y trouver un abri des vents à l’Est des îles et éviter le risque d’être affalé sur la côte Ouest de la Sardaigne.
Mais la nuit tombait déjà en cette fin d’après midi du 15 février et  le vent donnait maintenant sud-ouest. La tombée de la nuit fut rude jusqu’à l’entrée du couloir et le combat acharné pour maintenir des caps au cœur du passage entre les deux îles. Malheureusement, le 16 février au petit matin la frégate fut emportée par un ouragan d’une force que personne n’avait jamais connue à Bonifacio. La Sémillante, face à la violence du vent, ajoutée à la force des courants, se vit dans l’impossibilité de tenter toute manœuvre de survie. A terre, à Bonifacio, la plupart des toits avaient été emportés, les arbres arrachés, une maison s’était même écroulée en entraînant la mort d’une personne sous ses décombres. L’ouragan avait déferlé sans discontinuer durant toute la journée du 15 et toute la nuit. La Sémillante, désemparée, se débattit dans le goulet en furie avant de disparaître. Quand ? Faisait-il déjà jour ou encore nuit ? Personne ne le saura jamais, car le bâtiment s’est littéralement volatilisé, broyé par une tempête exceptionnelle. Seul le gardien du phare de La Testa, à l’entrée du goulet, dira avoir aperçu brièvement un bâtiment en détresse, le 15 février au matin. On n’en retrouvera rien, sinon de menus débris portés parfois très loin des îlots des Lavezzi.
Pire : aucun homme parmi l’équipage ou les soldats ne survivra au désastre. Cette effroyable catastrophe fit 702 morts dont on découvrira la plupart des dépouilles mutilées, au hasard des grèves et des plages.

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Incapable de maintenir un cap de navigation, la Sémillante vint donc se heurter avec une vitesse de 12 noeuds sur un rocher sous-marin signalé par une bouée aux abords de l’îlot des Lavezzi. Broyée par le choc, elle coula par le fond dans la nuit du 15 au 16 février 1855. Tout a été instantanément englouti.

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Le 18 février les premiers cadavres, certains, complètement déchiquetés et méconnaissables, furent ramenés sur les grèves par les courants. Ils furent tous inhumés sur l’îlot des Lavezzi, faute de moyens de transport, par une corvée de 50 soldats détachés en renfort des marins envoyés pour les recherches. Le 20 février le nombre de corps inhumés s’élevait déjà à 250 soldats ou hommes d’équipage. Pour la plupart d’entre eux, rien ne pouvait permettre leur identification ou même leur appartenance militaire. Les dépouilles avaient été dénudées par les flots et nombreux étaient démembrés ou affreusement mutilés.

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Le plus surprenant fut que, des 702 hommes embarqués à bord de la Sémillante, seuls le capitaine Jugan et l’aumônier purent être identifiés parmi les 560 corps repêchés et inhumés dans les deux cimetières des îles Lavezzi. Le premier fut reconnu par une épaulette de sa vareuse et une difformité qu’il avait à un pied, le second par ses attributs cléricaux.  
Les autres militaires manquants ne furent jamais retrouvés, la mer les garda pour elle.

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Depuis, et chaque année, pour le 15 février, une délégation civile et militaire rend hommage à ces hommes disparus tragiquement avant d’aller se battre en Crimée. Un office religieux est également rendu sur l’Ilot des Lavezzi et un recueillement est organisé sur les tombes de ces militaires qu’il ne faut pas oublier. Pour cela 3 coups de canon sont tirés vers la mer pour rappeler aux disparus la mémoire vivante et fidèle des français, 157 ans après cette tragédie.

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Commentaires
J
Bonjour. Existe-t'il une liste des marins embarqués? Une tante décédée nous a parlé d'un proche qui aurait été à bord sans aucune autre précision et nous aimerions justement trouver si un nom familier se trouve sur une liste.. Merci de votre réponse.<br /> <br /> S Guerrini
G
Bonjour,<br /> <br /> je viens de lire votre article qui m'a beaucoup appris. Grâce à vous j'en sais un peu plus sur la fin tragique d'ancêtre Pierre Marie CARDINAL né à Brest-Recouvrance le 17/12/1824 et disparut lors du naufrage. Il était Second Maître Voilier.<br /> <br /> Merci pour votre article.<br /> <br /> Cordialement,<br /> <br /> Gilles CARDINAL.
M
Certain corps furent identifiés dont mon ancêtre Alexis Magnier de Maisonneuve enterré au cimetière des iles Lavezzi.
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